L'Association Femmes Débat Société a accueilli Jean-Pierre RAFFARIN au cours d'un déjeuner le mardi 3 février 2015, dans une atmosphère d'autant plus chaleureuse que c'est à l'initiative de Jean-Pierre RAFFARIN, Michel BARNIER, Jacques BARROT et Dominique PERBEN que s'est créée l'Association.
Ancien Premier Ministre de mai 2002 à mai 2005, Jean-Pierre RAFFARIN est actuellement Sénateur, Président de la Commission des Affaires Etrangères du Sénat, Président de l'Amitié France-Chine, pays dans lequel il a par deux fois emmené une délégation de Femmes Débat Société. Parmi ses nombreuses autres responsabilités, il est Professeur à l'ESCP- EAP.
D'entrée de jeu, Jean-Pierre RAFFARIN marque sa satisfaction de constater le développement de Femmes Débat Société, initialement constituée pour créer un vivier de femmes susceptibles de prendre des responsabilités politiques au moment de l'institution de la parité. Il souligne l'exceptionnelle gravité des situations que doit affronter aujourd'hui notre pays. De graves défis se présentent dans plusieurs domaines.
De nombreux conflits ont surgi dans le monde auxquels la France doit faire face. Ces conflits sont complexes et doivent être affrontés sans que se dessinent de claires perspectives d'avenir. Le droit international est bafoué, les solutions politiques sont dans l'impasse et il est particulièrement dur d'apporter une aide militaire dans un tel contexte. Au Moyen-Orient, les frappes aériennes nourrissent le terrorisme autant qu'elles le combattent et notre pays n'a pas les moyens d'une intervention terrestre pourtant indispensable pour l'éradiquer. Un dialogue avec la Russie s'impose sans que nos relations avec Vladimir Poutine passent nécessairement par l'Allemagne.
Au sein même de notre société, ont apparu des difficultés face auxquelles il faut avoir une vision claire et hiérarchiser les priorités. Nos adversaires sont en même temps chez nous. Or, il manque actuellement 3 milliards d'euros pour que puisse être respectée la loi de programmation militaire.
Au niveau européen, si l'Union accepte les interventions militaires françaises, elle la laisse seule dans certains combats, sans suffisamment reconnaître l'utilité de son engagement. La situation actuelle de la Grèce, pour préoccupante qu'elle soit, n'est pas une catastrophe. Ces éléments prouvent que le projet européen est à rebâtir. Cette nécessité se fait d'autant plus urgente que l'exemple des pays émergents montre que c'est au niveau d'un continent que se fait aujourd'hui la croissance. Or, l'Europe est elle-même un continent essentiellement constitué de l'unité de la France et de l'Allemagne.
Si les récents évènements ont montré l'attachement des Français à l'unité nationale et à la République, attachement auquel on ne peut que souscrire, ce n'est pas pour autant que l'on peut partager les options socialistes qui ont conduit à la désindustrialisation du pays. La loi Macron pourrait être qualifiée de loi Micron du fait qu'elle ne concerne que des sujets périphériques. Elle a, par exemple, abandonné la remise en cause des seuils qui entravent le développement des entreprises. Notre gouvernement socialiste reste inconscient de la gravité et de la complexité de la situation du pays.
Cette situation exige un projet d'avenir courageux et mieux vaudrait pour l'opposition perdre que gagner sans pouvoir gouverner. Comment l'opposition pourrait-elle gouverner ? Cette question du comment est d'une particulière importance. Il s'agit de restaurer prioritairement une éducation qui repose sur des valeurs et de permettre un nouveau départ à une économie libérée des contraintes qui l'étouffent. Il s'agit également d'établir un service national fondé sur l'autorité et de faire retour aux 39 heures. Pour réussir, un nouveau gouvernement doit faire preuve d'autorité pendant ses six premiers mois, de capacité pendant les six mois suivants et d'habileté pendant le reste de son mandat.
Outre ce projet d'avenir, l'opposition a un besoin impératif d'unité. Son éclatement signifierait la victoire du Front National. Il est inquiétant de voir ses membres s'exprimer librement depuis quelques jours sur l'attitude à adopter vis-à-vis de l'élection législative dans le Doubs avant même que l'UMP n'ait pris officiellement sa décision, ce qu'elle va faire cet après-midi. Les choses sont trop graves aujourd'hui, alors que 2 millions de jeunes Français sont au chômage pour que chacun donne un avis sans attendre la position du parti. Il faut faire barrage au Front National et rassembler contre lui les votes socialistes ainsi que les votes blancs.
La 5ème République donne une force exceptionnelle au Président. Son premier rôle est de détruire ses adversaires. Toutes les fautes de l'actuelle opposition seront, donc, utilisées et, comme aucun politique n'est parfait, il nous faut nous appuyer sur l'unité de nos valeurs.
Jean-Pierre Raffarin termine son exposé sur une note d'espoir en indiquant que les prochaines élections cantonales vont renouveler le personnel politique du fait de l'introduction de la parité et du rajeunissement des futurs élus.
En réponse aux nombreuses questions, Jean-Pierre RAFFARIN complète son exposé par les remarques suivantes :
Il se déclare optimiste car il se définit comme humaniste convaincu des forces qui sont en nous, tout en soulignant les nombre des problèmes dont nous n'avons pas conscience. Ce n'est pas de légèreté, mais de gravité qu'il faut faire preuve.
Ainsi, en ce qui concerne le combat contre le terrorisme, au lieu de gesticuler, il faut prendre acte du fait que les interventions au sol sont indispensables et que les seuls pays à même de les mener sont la Russie et l'Iran. Il est temps de réaliser que le monde peut tourner sans la France.
La Chine, quant à elle, se referme sur elle-même de même que la Russie. Cet enfermement pousse ces deux pays au nationalisme et à l'expansionnisme. Forte d'un taux d'épargne de 40%, la Chine cherche des opportunités d'investissement.
Les BRICs (Brésil, Russie, Inde, Chine) se développent de façon paradoxale faite à la fois de décentralisation et de centralisation, de PIB à la fois considérable globalement au niveau du pays, mais modique par habitant.
La réforme régionale française a été improvisée et ne va pas générer d'économies. Pourquoi ? L'agrandissement des Régions va entraîner la multiplication des structures de proximité sources de dépenses et preuves de l'hésitation du pouvoir vis-à-vis d'une décentralisation souhaitable. Les grandes Régions sont des outils de programmation, mais ne répondent pas aux besoins d'institutions de proximité.
Les pesanteurs administratives françaises étouffent les énergies dans le pays.
L'action du gouvernement socialiste aboutit à la division et à l'isolement du pays. Division du fait des débats de société, d'accords scandaleux avec les écolo-gauchistes, de l'opposition entre départements et régions, de la question du vote des étrangers. Isolement en raison des différends avec le Maroc, de l'absence de coopération avec les services de renseignement turcs, du manque de dialogue direct avec Poutine. On peut se demander qui sont les alliés de la France aujourd'hui ?
.