CONVENTION DE L'ASSOCIATION FEMMES, DEBATS ET SOCIETE
1er juin 2014
14h-19h
au Palais du Luxembourg, 26 rue de Vaugirard,75006 Paris
La récente actualité en France pose de manière brûlante la question des rapports entre morale et politique dans une société démocratique qui impose de la part de ceux qui ont été élus par nos concitoyens le respect d'un certain nombre de valeurs: probité, impartialité, responsabilité...
La " morale républicaine" ou la " vertu civique" sont en effet les principes structurels d'un Etat républicain: Du respect de ces valeurs par les responsables politiques dépend la confiance sur laquelle repose le contrat social.
ETHIQUE ET POLITIQUE : UNE REFLEXION AU FEMININ ?
Accueillis par Catherine DUMAS, Présidente de F D S, de nombreux intervenants ont apporté leurs contributions au cours des deux Tables Rondes qui abordaient les problèmes suivants : « L'homme politique peut-il être vertueux ? », d'une part, et « Les femmes sont-elles des hommes politiques comme les autres ? », d'autre part.
Isabelle DEBRE, Vice-Présidente du Sénat et Sénatrice des Hauts-de-Seine, introduit les débats en soulignant que, si l'éthique est le fruit d'un consensus d'essence raisonnable, ce qui est légal n'est pas nécessairement éthique. Tout en reconnaissant que la majorité des politiques agissent au service de leurs concitoyens, elle constate que ces derniers ont aujourd'hui des exigences accrues vis-à-vis de leurs élus. « Nous devons être plus propres que propres », affirme-t-elle et l'Etat se doit de respecter les obligations qu'il impose, sous peine de générer le populisme.
Alain DUHAMEL, journaliste et écrivain, poursuit cette introduction en rappelant que la France a beaucoup tardé à reconnaître le rôle politique des femmes. Il y a pourtant longtemps que, reconnu ou non, elles en ont eu un, que ce soit en tant que substituts des hommes, épouses, maîtresses, conseillères ou régentes. Elles ont joué leurs rôles avec réalisme et bon sens. Il a fallu attendre 1945 pour qu'elles aient le droit de vote et le milieu de la 5ème République avec le Président GISCARD d'ESTAING pour occuper officiellement des postes à responsabilité. A partir des années 1990, leur ont été accordés des fonctions régaliennes : on pense à Michèle ALLIOT-MARIE, à Christine LAGARDE ou à Ségolène ROYAL, première femme à se présenter à une élection présidentielle. Si l'on peut reconnaître aux femmes des qualités comparables à celles des hommes, qu'il s'agisse d'éloquence, de compétence, de cynisme et de capacité de travail, on ne trouve pas parmi elles de théoriciennes de la politique, exception faite de Madame de STAEL en son temps.
Par ailleurs, vertu et politique ne font pas nécessairement bon ménage : les grands politiques ne se sont pas toujours montrés vertueux, et la carrière des plus vertueux n'a pas toujours été brillante.. Ce dont on peut être sûr, c'est que les Français se montrent de plus en plus exigeants en matière d'éthique, les lois se font plus strictes, les institutions judiciaires de plus en plus puissantes et la transparence de plus en plus despotique. Par nécessité, politique et éthique devront, donc, se rapprocher.
Gérard KUSTER, Council Director au Conference Board à Bruxelles, ouvre les débats de la 1ère Table Ronde sur le thème : L'homme politique peut-il être vertueux ? en rappelant que la confiance est essentielle à la démocratie : lorsque les dirigeants sont intègres, le peuple suit leur exemple. A leur niveau, les entreprises l'ont bien compris, qui prêtent aujourd'hui attention à leur acceptabilité sociétale, sans laquelle leur image se dégrade. Le monde politique s'imprègne de cette idée : preuve en est la charte éthique de Valérie PECRESSE, candidate aux Régionales en Ile de France.
Dominique ROUSSEAU, Professeur de Droit Constitutionnel à l'Université Panthéon-Sorbonne, considère que les êtres humains ne sont vertueux que s'ils ont intérêt à l'être et, évidemment, l'homme politique peut et doit être vertueux. Ce d'autant plus que, comme l'avait vu MONTESQUIEU, le principe fondateur de la démocratie est la vertu, principe voisin de celui de la monarchie, à savoir l'honnêteté, mais différent de celui de la dictature qui s'appuie sur la crainte. Mais, en démocratie, comme la vertu n'est pas spontanée, il faut l'organiser. Que ce soit auprès des élus locaux et nationaux, des cabinets ministériels, de la haute fonction publique, les recommandations à faire sont nombreuses, le contrôle à installer, mais un contrôle externe et non pas interne comme c'est encore souvent le cas. La Déclaration des Droits de l'homme ne prévoit-elle pas le droit de regard et de contrôle du citoyen ?
A l'Assemblée Nationale, cette organisation est en cours et répond à une forte attente, comme en témoigne Ferdinand MELIN-SOUCRAMANIEN, Déontologue de l'Assemblée Nationale. En fonction depuis un an, il a répondu à 175 sollicitations émanant de 120 à 130 députés. Si le Code de Déontologie de l'Assemblée Nationale ne comporte actuellement que 6 articles, des codes similaires plus fournis existent dans plusieurs autres pays. L'institution s'installe et se banalise, malgré la persistance d'angles morts.
Agnès VERDIER-MOLINIE, Directrice de l'IFRAP, constate que les résistances restent nombreuses et les évidences confuses. Les élus et collaborateurs bénéficient de passe-droits traditionnels (indemnités de frais de mandat, réserve parlementaire, financement des groupes parlementaires, rémunération des heures supplémentaires, cumul de fonctions dans des Agences de l'Etat ou des organismes para-publics,...) qui peuvent avoir émoussé les consciences. Or, qui vote l'impôt doit le payer sur la totalité de ses revenus, qui exige du privé la transparence doit la respecter dans ses activités publiques. Par ailleurs, il reste beaucoup à dire des 1240 Agences de l'Etat et de leurs doublons, de la parité public-privé dans les représentations nationales, etc ...
En invité-surprise, Jean-Pierre RAFFARIN vient démontrer le paradoxe des récentes élections départementales. Organisées par le pouvoir en place de manière à se conforter, elles ont, au contraire, fait émerger « un vivier formidable pour l'avenir » en imposant la parité. Cette parité a permis de renouveler et de féminiser la droite et le centre. Il invite FDS à contribuer à l'organisation de la primaire présidentielle en constituant un collectif d'associations en vue d'élargir le plus possible cette primaire.
Pour lui, l'importance de l'éthique l'emporte sur celle de la transparence. L'éthique renvoie en effet à une responsabilité, un choix personnels là où la transparence est de l'ordre de la communication.
Il s'inquiète du rejet de la politique par la population. C'est un danger pour la démocratie : seuls le pluralisme et la diversité des opinions peuvent prévenir les régimes autoritaires.
Valérie DEBORD, Ancienne Députée, ouvre les débats de la 2ème Table Ronde sur le thème : « Les femmes sont-elles des hommes politiques comme les autres ? » en témoignant de son expérience. Oui, pour elle, les femmes politiques ont la même ambition que les hommes politiques : celle de servir la collectivité. Mais, à la différence des hommes politiques, elles se voient imposer des horaires incompatibles avec leurs charges familiales. Elles ont davantage de contraintes à gérer que les hommes. De plus, elles affrontent une sourde rancune de la part de ceux que la parité a privés de postes éligibles. Enfin, elles sont tenues de faire leurs preuves de façon supérieure : les a prioris ne leur sont pas toujours favorables.
Réjane SENAC, Politiste, chargée de recherche CNRS au Centre de recherche politique de Sciences-Po (CEVIPOF) , rappelle la proportion de femmes parmi les élus à l'Assemblée Nationale : 5% en 1993 contre 27% aujourd'hui. Elles représentent 16 % des Maires, mais 50% des Adjoints aux Maires. Il a fallu attendre 2012 pour avoir un gouvernement paritaire. C'est dire combien la loi sur la parité était nécessaire. Il reste que les femmes assument encore 75% des travaux ménagers et domestiques et, lorsqu'un troisième enfant apparaît, seules 50% d'entre elles continuent à travailler, les crèches n'accueillant que 10% des enfants de moins de trois ans.
Christophe BARBIER, Directeur de la Rédaction de l'Express, considère que si la loi sur la parité a facilité l'accès des femmes aux fonctions électives, il n'en va pas de même pour les responsabilités exécutives.
Il se demande, par ailleurs, si les femmes ne sous-estiment pas l'importance des réseaux, au profit des techniques qu'elles s'appliquent à maîtriser.
Marie-Magdeleine LESSANA, Ecrivain et Psychanalyste, considère qu'il reste aux femmes beaucoup de chemin à faire, beaucoup de déconstruction et de détricotage des stéréotypes qui les conditionnent dès l'enfance. Si les mesures concernant la parité étaient nécessaires, elles ne sont pas suffisantes tant que subsistera l'idée d'une différence entre les activités masculines et féminines. Les rôles attribués à chacun sont des constructions dont il s'agit de se libérer.
En conclusion, Salima SAA, Directeur Commercial Véolia et membre de FDS, suggère que l'Association fasse deux propositions de lois :
L'une supprimant la possibilité pour les partis politiques de déroger à la parité au moyen du versement d'une amende. Faute d'appliquer la parité, aucune des candidatures proposée par ces partis ne serait considérée comme valable
L'autre imposant la parité dans les instances exécutives.
Au terme de cette journée, Catherine DUMAS clôture la Convention en indiquant que Femmes Débat Société va instaurer en 2016 un partenariat avec des femmes tunisiennes.