- Détails
- Catégorie : Les Déjeuners de FDS
Mardi 1er février 2022, l’association Femmes Débat & Société recevait Alain Bauer.
Alain Bauer est professeur de Criminologie au Conservatoire National des Arts et Métiers (CNAM), professeur associé à l’Université́ Fudan (Shanghai), senior research fellow au « Center of Terrorism du John Jay College of Criminal Justice » à New York (Etats-Unis), et à l’université́ de Droit et de Sciences Politiques de Chine (Beijing). Parallèlement il exerce de fonctions de conseil auprès de la police de New-York (NYPD), de la Sûreté du Québec (SQ) et du Sherif de Los Angeles (LASD). Il est également membre de la Task Force de l’OCDE sur le commerce illicite, membre du groupe d’experts sur le crime organisé (SOCTA) EUROPOL, ...
Alain Bauer a également exercé de multiples activités au sein de diverses institutions : à titre d’exemple, il a présidé le Conseil supérieur de la formation et de la recherche stratégiques (CSFRS) auprès du Président de la République entre 2009 et 2019, et le Conseil National des Activités Privées de Sécurité́ (CNAPS) de 2012 à 2017.
Par ailleurs il a publié une petite cinquantaine d’ouvrages sur les questions criminelles et de sécurité net de terrorisme depuis 1998. Grand maitre du Grand Orient de France de 2000 à 2003, il a également écrit une trentaine d’ouvrages sur le sujet. Enfin, sa passion pour la gastronomie, l’a conduit, après avoir été directeur du Guide Champerard pendant de nombreuses années, à publier très récemment « Confessions gastronomiques, le restaurant d’après « ...
Alain Bauer a tout d’abord évoqué les questions statistiques de l’insécurité en insistant sur le fait qu’il n’y avait aucun outil fiable ou stable de calcul de la criminalité et de la délinquance. Selon lui, il n'y a que des outils partiels, parcellaires et partiaux, qui ne prennent en compte qu'une partie de la criminalité, la partie connue ou déclarée. Ils sont utilisés pour des raisons politiques, non pas comme un outil de connaissance du crime, mais d'analyse de l'efficacité de la réponse publique au crime. Pour avoir un outil fiable, il faut un dispositif qui comporte à la fois l'outil déclaratif, ce que les gens déclarent, l'outil de constatation, ce que la police cherche et trouve, et l'outil de victimation, ce que les gens disent avoir subi même quand ils ne l'ont pas déclaré. Ce qu'on connaît le moins, par exemple, ce sont les violences physiques et sexuelles à domicile. Il y a 9 % de plaintes par rapport à l'ensemble de la victimation déclarée. On se plaint beaucoup plus d'un vol de rétroviseur que d'une violence physique répétée chez soi. Quand vous avez ces trois outils, vous vous approchez de la réalité.
Autrement, il reste l'homicide, le seul outil stable d'analyse de la violence ultime d'une société. En cinq siècles, on est passé de 150 homicides pour 100 000 habitants à moins de 2. Après avoir enregistré des minima historiques à partir de 2009 (moins de 600 faits) on constate une forte reprise depuis 2015. Le problème en France est qu’en établissant un monopole de la sécurité publique, l’État est devenu le comptable de la question criminelle, contrairement à la majorité des autres pays dans lesquels la compétence est partagée entre le local et le national. De ce fait, il est jugé sur les chiffres de la délinquance et peu sur son efficacité.
Les élites politiques ne savent pas répondre au climat d’insécurité autrement que par des postures appliquant ce qu’Alain Bauer appelle le triptyque « négation-minoration-éjection » à savoir « ce n’est pas vrai, ce n’est pas grave, ce n’est pas de ma faute » !!!
A sa décharge, le gouvernement actuel est victime d’une décision stupidement comptable de son immédiat prédécesseur, qui a supprimé à la fois l’enquête de victimation et son outil de compréhension, l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP).
Il ajoute que nous disposons d’un outil supplémentaire avec « l’homicidité « qui permet d’ajouter aux homicides, les tentatives et les coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort. Au regard de ce ces statistiques, il est incontestable que la dégradation est réelle et importante. Pour lui, la solution consisterait à travailler avec les moyens de la science et de l’expertise permettant de mener une action claire et . pertinente des acteurs du processus pénal.
Alain Bauer a ensuite abordé la gestion de la crise sanitaire et établi un parallèle entre la criminologie et la médecine : il doit y avoir un diagnostic partagé, un projet de pronostic discuté et une thérapeutique disputée. Il peut y avoir des divergences sur la thérapeutique à appliquer ...
Dans le cas de la gestion de la pandémie, aucun de ces trois éléments n’a fait l’objet d’une réflexion ; et ceci a été aggravé par ce qu’il appelle le péché originel, à savoir la mascarade et le mensonge à propos des masques des autorités scientifiques qui se sont prêtées à une médiatisation débridée.. La communication sans rareté de la parole, sans distance et sans contenu a été suicidaire pour l’autorité scientifique qui s’est décrédibilisée aux yeux des citoyens. Alain Bauer a rappelé qu’en matière criminelle, de terrorisme ou sanitaire tout ce qui parait nouveau est en fait ce qu’on a oublié...
Avec son humour habituel, il raconte comment pour des raisons bêtement comptables, on a systématiquement détruit en 2011, tout le dispositif remarquable d’anticipation du bio terrorisme, d’une pandémie et de la gestion d’une crise. La crise attendue au moment de l’épidémie de grippe H1N1 en 2009 ne s’étant pas produite, on a considéré qu’il n’y aurait jamais de crise sanitaire ... Or, depuis la grippe espagnole de 1918, la grippe asiatique de 1956, celle de Hong Kong de 1968 ou la H1N1 de 2009, nous n'avons pas manqué d'alertes ni d'études scientifiques de grande qualité pour nous alarmer.
Monique RONZEAU remercie très chaleureusement Alain Bauer qui a apporté avec brio son éclairage d’expert particulièrement pertinent sur ces sujets de sécurité publique ou sanitaire et de gestion de crises , qui sont au cœur des préoccupations de notre société.