En accueillant le député et ancien Premier ministre François FILLON dans le cadre de ses déjeuners mensuels, l’Association Femmes Débat Société poursuit le cycle de ses invitations réservées aux candidats à la prochaine élection primaire de la Droite et du Centre.
A l’attention de son invité, la Présidente de Femmes Débat Société, Catherine DUMAS, rappelle brièvement les caractéristiques, les objectifs et les activités de l’Association : un réseau d’entraide et d’amitié entre des femmes de droite et du centre visant à la promotion des femmes dans les lieux de gouvernance. A la mi-septembre, se tiendra un Forum Franco-Tunisien dans le but de contribuer à la promotion féminine en Tunisie. Catherine DUMAS salue la présence Donia Kaouach qui se charge des liens entre l’Association et la Tunisie.
Un bref rappel du brillant parcours politique de François FILLON précède son intervention. Laure DARCOS souligne le fait qu’il est entré très jeune en politique en étant élu député de la Sarthe à 27 ans avant de débuter sa carrière ministérielle à 39 ans, puis d’être nommé Premier ministre en 2007 sous la présidence de Nicolas SARKOZY, poste qu’il a occupé sans discontinuer jusqu’en 2012 avant d’être élu Député de Paris.
D’entrée de jeu, François FILLON précise les raisons de sa candidature à la prochaine primaire de la droite.
Il se dit inquiet de la désastreuse situation de la France en particulier sur le plan financier,inquiétude qu’il manifeste déjà depuis plusieurs années. Les conséquences de cette situation ne se sont pas encore pleinement apparues car Banque Centrale Européenne fait fonctionner la planche à billets. L’Europe et en particulier la France n’ont rien fait pour s’adapter au danger. François FILLONcompare les mesures de la BCE à des injections d’héroïne dont les effets s’atténuent au fur et à mesure du temps. Il suffit d’une remontée des taux pour mettre en danger l’indépendance nationale.
Autre sujet d’inquiétude majeure : le chômage. 2 000 000 de jeunes en France, soit l’équivalent du nombre des naissances sur trois ans, sont actuellement déscolarisés, sans emploi ni formation. Cette situation affecte lourdement la compétitivité et la cohésion sociale du payset ce, dans un contexte européen préoccupant du fait de l’afflux des réfugiés, de la menace du Brexit, de l’immixtion des Etats-Unis dans notre économie et de rapports diplomatiques mal positionnés avec la Russie.
Autre motif de la candidature François FILLON : l’expérience acquise. Avoir dirigé le gouvernement au cours du précédent quinquennat lui donne un atout considérable. Depuis quatre ans, le candidat a fait le bilan de cette période et bâti son projet au fil de contacts aussi nombreux que variés : citoyens, élus, techniciens, experts, etc. Il a élaboré ses méthodes de mise en œuvre (méthodes dont on voit l’importance au moment où l’on constate les difficultés de la loi El Khomri). De l’enseignement du passé, de son expérience, François FILLON tire son les conclusions suivantes :
C’est dans un délai très court, de l’ordre de trois mois, que doit être adopté un nombre limité de projets (cinq ou six) et ce, pour changer l’état d’esprit des Français. Le mot d’ordre du changement est : « libérer le système économique » car il existe dans le pays une profonde aspiration à la liberté. Agriculteurs, médecins, professionnels du logement, familles, professeurs, chefs d’entreprises : tous ont besoin de liberté. A l’Etat de définir les grandes lignes tout en laissant faire les différents groupes sociaux à l’intérieur du cadre fixé.
Ces projets concerneront :
- La durée du travail : elle sera négociée au sein de l’entreprise. Le Code du Travail se limitera à des normes sociales fondamentales, donc, à une soixantaine de pages. Loin d’établir un contrat de travail unique, il faudra au contraire les multiplier en fonction des différents statuts ; entrepreneur individuel, contrats de mission, contrats temporaires, etc... C’est avec fierté que l’orateur rappelle que son gouvernement a créé le statut d’auto-entrepreneur.
- La réforme de la fiscalité : inutile de croire à la baisse des impôts que prônent les candidats, sauf à la baisse de l’impôt sur le capital. C’est, en effet, de cette baisse que dépend le redémarrage des investissements. Le capital sera soumis à une flat tax de 30% incluant la CSG. La France a tout fait pour décourager ses capitalistes et puisqu’il n’y en a plus chez elle, c’est vers le Qatar et les fonds de pension américains qu’elle se tourne en leur consentant les conditions avantageuses qu’elle refuse à ses nationaux.
- La réforme de l’indemnisation du chômage.
- L’établissement d’une grande filière professionnelle développant l’alternance et la formation des jeunes.
Comment François FILLON compte-t-il procéder ? Selon les méthodes suivantes :
- Grâce à la transparence du projet annoncé.
- Grâce à une équipe ministérielle restreinte (une dizaine de ministres) de type « commando » choisie en raison de sa compétence et non pas dans un souci d’image.
- Grâce à une rapidité d’exécution (dans les trois mois qui suivent les élections présidentielle et législative) qui ne laissera pas le temps à l’opposition de se cristalliser ni de démentir l’expression toute récente de la volonté populaire,
- Au moyen d’un référendum à la mi-septembre, référendum qui portera sur les trois questions suivantes :
1. L’égalité des régimes sociaux privés et publics,
2. La simplification de l’administration des collectivités locales,
3. La diminution du nombre des parlementaires.
Il n’existe pas d’autres solutions pour redresser le pays. La rigueur de ces mesures impose la poursuite d’un objectif clairement énoncé et partagé : le plein emploi. En effet, le chômage délite l’identité nationale, l’unité du pays et sa cohésion sociale.
Après son exposé, et en réponse aux nombreuses questions qui lui sont adressées, l’orateur a pu fournir les précisions suivantes :
Question : Vous souhaitez provoquer un choc dans l’opinion et la conduite de la politique françaises. Que pourrez-vous faire contre la rue si l’opposition s’y manifeste ?
Réponse : la société française est davantage disposée au changement qu’on ne le ditL’importance du vote en faveur de l’extrême-droite en est la preuve. A cette aspiration au changement s’ajoute le manque d’autorité du pouvoir lorsqu’il est hésitant et divisé. Nous-mêmes l’avons expérimenté en 2007 lorsque nous n’avons pas réussi à instaurer la TVA sociale sur laquelle l’UMP était incertaine et partagée. En tant que Premier Ministre, j’ai réussi à conduire des réformes difficiles telles que la privatisation de France Telecom qui employait 150 000 fonctionnaires opposants et syndiqués, ou bien la réforme des retraites qui a jeté dans la rue 4 000 000 de personnes. En France, on s’enflamme facilement pour des réformes parfois ridicules. Il existe, par contre, une impossibilité lorsqu’il s’agit de contrer les lycéens descendus dans la rue.
Il ne faut pas avoir peur d’affronter l’opposition. Mme Thatcher a redressé son pays en ayant le courage de dire : « Non ». Si demain, nous ne sortons pas vainqueurs, la décadence nous guette. 2017 est une date historique.
On peut parler avec les syndicats, mais ce n’est pas pour autant qu’ils ont à diriger le pays. Ils ne pourront pas mobiliser contre un projet politique qui vient d’être approuvé par le corps électoral.
Question : sur les atouts de la France et sa compétitivité.
Réponse : Mon intention est de faire de la France dans les dix années à venir la première puissance européenne. Elle en a les moyens grâce à sa démographie, à la productivité de ses travailleurs, à la qualité de ses équipements et services publics, au nombre de ses entreprises de taille mondiale, à la qualité de ses chercheurs, à celle de son agriculture. De plus, elle est le seul pays européen à disposer d’une armée opérationnelle. Il faut prendre conscience de ces atouts avant de vouloir améliorer nos faiblesses.
C’est en raison de l’ISF que nous n’avons pas suffisamment de grosses PME. A nous de professionnaliser les entreprises à même d’exporter. Nous ne le ferons qu’avec l’appui de professionnels et non pas d’employés du secteur public. La France peut emporter la compétition économique si l’Europe tient debout.
Question : Quelles sont vos positions en matière de sécurité intérieure, vis-à-vis du djihadisme, en ce qui concerne le Moyen-Orient, les Etats du Golfe et à l’égard de l’état d’urgence ?
Réponse : Nous sommes dans une crise mondiale car une nouvelle forme de totalitarisme, le totalitarisme islamique, est en train d’apparaître. Les sociétés humaines sécrètent périodiquement des totalitarismes, nous en avons connu deux au cours du XXème siècle. Qu’est-ce que le totalitarisme ? La volonté d’imposer par la force sa vision particulière d’une société. C’est ce qui est en train de se passer au Pakistan, en Afghanistan, au Yémen, en Irak, en Syrie, ou de menacer le Liban, le Jordanie, et de descendre dans les pays africains.
Il faut attaquer ce totalitarisme à la source car c’est notre ennemi, et pour ce faire, former une coalition entre tous les Etats (y compris la Russie) qui peuvent participer à cette lutte. Il faut parler avec les nations qui ne sont pas des constructions fragiles c’est-à-dire avec l’Egypte, la Turquie, l’Iran, Israël, et les placer devant leurs responsabilités. Or, la Turquie a laissé passer des djihadistes et a récemment abattu un avion russe. Les Etats-Unis, eux-mêmes, s’opposent à une alliance sincère Européano-Russe. Tant sur le plan diplomatique qu’économique, nos relations sont actuellement tendues avec eux.
Sur le territoire national, il faut ramener de cinq à deux le nombre de chaînes hiérarchiques actuelles de renseignement, améliorer l’équipement insuffisant de la police et de la gendarmerie et augmenter significativement leurs effectifs (depuis plusieurs années la variation de ces effectifs se limite à 1-2%). Par ailleurs, la justice doit se réorganiser. Le nombre de places de prison est inférieur de 30% au nombre de celles qui existent dans les autres pays européens. Enfin, nous avons besoin d’une Europe solidaire dans ce combat. Or, l’Allemagne est pratiquement absente au Sahel et n’a envoyé que des avions de reconnaissance sur le théâtre des opérations au Moyen-Orient.
En ce qui concerne l’état d’urgence, il ne peut pas être éternel par définition. Comme il ne peut guère durer plus de deux ans, il va falloir modifier les procédures pénales tout en respectant les libertés fondamentales. La civilisation européenne a été de loin la plus avancée en matière de respect de la personne et elle ne doit pas être sacrifiée.
Question : Au cours des années 95-96, l’Etat a été l’otage de lobbyistes mandatés par les grandes entreprises et la fonction publique s’est affaiblie.
Réponse : Ce qui doit dominer, ce sont les intérêts du pays. L’Etat n’est pas adapté à la compétition mondiale ; beaucoup de privatisations sont donc à conduire. L’équipe aux compétences professionnelles que j’ai l’intention de constituer sera ouverte sur l’extérieur. Les périodes de décadence, telle que celle que nous connaissons, sont propices au repli des diverses communautés sur elles-mêmes.
Le Parlement, lui-même, a besoin de se moderniser et, avec un nombre de membres réduit, échapper à l’atmosphère sarcastique qui y règne trop souvent.
La baisse des dépenses publiques ne s’opèrera pas par le choc de simplification. Il faut supprimer 500 000 postes de fonctionnaires au cours du quinquennat tant à l’échelle de l’Etat que dans les collectivités territoriales et dans le domaine de la santé. Le temps de travail effectif de la fonction publique est plus près de 32h que de 39h. Il ne s’agit donc pas de passer de 35 à 39h mais de 32 à 39h, l’augmentation du temps de travail permettant de compenser la baisse des effectifs. Par ailleurs, il est possible d’externaliser, de privatiser certains secteurs.
Question : Quelles sont vos positions en matière d’égalité salariale, de parité dans le gouvernement que vous voulez former comme dans les COMEX ?
Réponse : En 2007, mon gouvernement se composait de 15 ministres, soit huit hommes et sept femmes. Je limiterai le nombre de Secrétaires d’Etat car les Secrétariats d’Etat sans responsabilité effective donnent une image négative et contribuent à multiplier les lois. Dans les entreprises, on commence à constater une discrimination positive. En ce qui concerne les prochaines élections législatives, il est habituel de réserver à ceux qui se représentent les circonscriptions dont ils sortent. La parité exigerait alors de réserver un quota de 70% aux femmes dans les circonscriptions où les sortants ne se représentent pas.
En matière d’égalité salariale, je suis ouvert aux idées que vous pourrez me fournir.
Le candidat reprend de lui-même la parole pour expliciter ses positions européennes. Il constate que l’Europe se délite au moment même où l’on en aurait le plus besoin.
Pour résister au totalitarisme islamique, à l’entrisme américain, un nouveau projet européen est nécessaire et ce projet doit se concentrer sur les points suivants :
- La monnaie : l’Euro doit être indépendant du dollar, car le dollar a été l’instrument utilisé par les Etats-Unis pour s’immiscer dans les affaires européennes. Un petit noyau de pays européens doit harmoniser ses fiscalités et parvenir à un pilotage politique commun.
- Une politique européenne de l’énergie, faute de laquelle la hausse des prix de l’énergie pénalisera la compétitivité.
- Une politique commune en matière de frontières et d’immigration.
- Une politique commune de défense qui inclut la répartition des rôles entre les pays ?
- Une politique commune en matière de recherche et d’innovation dans le numérique.
Tout ce qui se trouve en dehors de ces secteurs doit être laissé à la discrétion des Etats. Pour impulser les projets européens ci-dessus décrits, il faut un pays capable de le faire et ce pays ne peut être ni la Grande-Bretagne incertaine de sa vocation européenne, ni l’Allemagne qui ne tient pas à se positionner en meneur et qui est trop attachée à la politique du compromis. La France, elle, peut être le moteur de ces projets.
La Présidente de l’Association, Catherine DUMAS, remercie son invité de façon très amicale tout en soulignant le souci de vérité qui l’anime, valeur qui lui est chère et qu’il a déjà illustrée dans son ouvrage : La France peut supporter la vérité.